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Un vent de fraîcheur souffle sur la Cave de Genève!

Quels sont aujourd’hui les enjeux du métier de vigneron? Comment les jeunes appréhendent-ils cette profession, ses mutations? À l’occasion du salon Arvinis, la jeune garde de La Cave de Genève s’est donnée rendez-vous pour partager sa vision du métier. Rencontre.

La Suisse peut se targuer d’une tradition viticole millénaire. D’ailleurs, selon un sondage de l’institut M.I.S Trend, le vin demeure la boisson alcoolisée préférée des Helvètes âgés de 18 à 74 ans. Nous nous classons même parmi les plus grands consommateurs au monde avec près de 40 litres par personne en 2018. Mais voilà que, depuis quelques années, la branche est en pleine mutation et est confrontée à des défis de taille : changement des habitudes de consommation, bouleversements climatiques, nouvelles législations plus contraignantes, difficultés à transmettre les domaines…

En marge du salon du vin Arvinis, qui s’est déroulé du 14 au 17 novembre 2019, nous sommes allés à la rencontre de cinq « jeunes pousses » du vignoble genevois pour comprendre leur vision du monde et leur pratique de la viticulture en 2019 ? Conclusion, du côté de La Cave de Genève, la relève s’organise!

  • Vigneron, c’était une vocation?

Baptiste Roset: Même si j’ai baigné dedans depuis tout petit, adolescent, je ne me voyais pas forcément embrasser la vocation de viticulteur. Mais après ma formation d’horticulteur, la vigne m’a rattrapé. Aujourd’hui, je suis heureux de perpétuer la tradition familiale et de vivre de ma passion du vin. En y regardant bien, il n’y a pas beaucoup de monde qui peut se vanter d’exercer un métier aussi varié que celui de vigneron!

Ludovic Penet: Cette vocation est née le jour où j’ai pu monter sur les tracteurs avec mon père, qui exploite un domaine agricole et viticole… Dès ce moment, je savais que je deviendrais vigneron! Malheureusement, j’ai dû prendre mon mal en patience, car ce dernier a insisté pour que j’apprenne un autre métier avant celui de viticulteur notamment à cause du fait que les exploitants ne recherchent plus autant d’apprentis qu’auparavant. J’ai donc entrepris, et réussi, une formation de commerce. Dès que j’avais un moment de libre, je retournais au domaine avec mon père et, pour tout avouer, il m’arrivait même de faire l’école buissonnière pour participer aux vendanges!

  • Quelles sont aujourd’hui les qualités nécessaires au métier de vigneron?

Alain Duvernay: En plus d’être passionné et d’avoir une excellente condition physique, l’organisation est primordiale. Tous les matins, il faut se mettre au boulot en sachant déjà ce qu’on va faire de notre journée et en ayant un plan B, notamment en cas de météo incertaine ! Cet aspect imprévisible est aussi ce qui rend notre métier si varié et passionnant.

Julien Abbé: Il faut être observateur avant tout car la vigne requiert beaucoup d’attention et notre œil est bien souvent l’outil le plus précis pour mesurer la santé des plants. Au-delà de cet aspect, il faut rappeler que la viticulture n’est pas un métier facile. Notre travail est directement tributaire de la météo et il suffit qu’elle ne soit pas de notre côté pour que nous prenions du retard qu’il faudra être capable de rattraper dès que possible. C’est un boulot énorme! Mais même si les journées peuvent être très longues, au final, c’est un véritable plaisir.

  • Comment êtes-vous perçu par les vignerons plus âgés?

Laurent Vulliez: À La Cave de Genève, nous sommes une grande famille! La plupart des vignerons nous ont vu grandir au fil des vendanges. Alors aujourd’hui, nous sommes plus que de simples collègues. J’apprécie vraiment les échanges que nous avons: ils sont heureux de nous transmettre leur savoir-faire et nous essayons de leur montrer de nouvelles façons de faire. Ce qui est intéressant avec la nouvelle génération de viticulteurs, c’est que beaucoup d’entre nous vinifient de petits volumes de leur côté. En plus de tester de nouveaux cépages qui pourraient un jour être produit à plus grande échelle, cela nous permet d’avoir une autre approche du produit que nous livrons et de comprendre la relation entre qualité du raisin et le vin obtenu au bout du parcours.

Ludovic Penet: La Cave de Genève regroupe près de 60 vignerons et parmi ceux-ci, toujours plus de jeunes qui partagent cette même envie de dépoussiérer notre métier en lui donnant une image dynamique. Avec le soutien de la Cave, nous avons d’ailleurs créé un groupe pour faire bouger – en douceur – les choses et nous avons plein de projets sur le feu, comme par exemple, celui de créer une cuvée inédite rien qu’à nous! Ce qui me réjouit, c’est que les « anciens » sont derrière nous, heureux de nous transmettre leurs astuces.

  • Vous êtes plutôt procédés traditionnels ou à la recherche d’innovation?

Laurent Vulliez: Je suis très attaché aux traditions mais je cherche avant tout à perfectionner notre travail de viticulteur : augmenter le rendement, tout en améliorant la qualité et en diminuant la pénibilité pour nous et nos équipes. Mon père avait déjà initié cela grâce à la mécanisation de notre exploitation et moi je poursuis ce chemin en la rationalisant. Cela passe par exemple par une meilleure gestion des tâches ou l’utilisation de techniques de structure de la vigne différentes, afin de faciliter le travail du personnel.

Ludovic Penet: La tradition représente une part importante de la viticulture mais, comme pour beaucoup de secteurs, elle est face à un tournant et doit suivre l’évolution des technologies. Je suis très attentif à l’innovation dans notre métier car elle permet de rester en phase avec le marché mais aussi le consommateur. Drones, robots de vigne, désherbage mécanique, cépages résistants, réductions de dose… Nous avons accès à de nouveaux procédés qui, en plus d’optimiser notre travail, nous permettront de réduire notre impact sur l’environnement. Et il s’agit là de notre défi majeur!

  • Quel est votre avis sur le vignoble genevois?

Baptiste Roset: Notre terroir est fantastique mais nous sommes condamnés à rattraper une réputation moyenne par rapport à nos voisins, qui n’est plus méritée! Si le vin genevois a fait d’énormes progrès depuis des décennies, nous avons malheureusement encore beaucoup de peine sortir de l’ombre des cantons de Vaud et du Valais. Les clichés ont la peau dure et heureusement que des organismes comme La Cave de Genève œuvrent pour promouvoir notre travail au-delà des limites de notre canton!

Alain Duvernay: Il est intéressant de constater que le réchauffement climatique, s’il apporte son lot de malheurs comme les fortes intempéries, le gel ou la grêle, permet aussi à certains raisins de s’épanouir pleinement sur nos terres! Par exemple en 2019, le cabernet-sauvignon, qui est un cépage tardif aimant beaucoup le sec, a dépassé pour la première fois en vingt ans les quotas attendus. Cela tend à renforcer la diversité de notre vignoble. Genève a un immense potentiel que nous devons commencer à faire connaître ailleurs en Suisse mais aussi à l’international. L’œnotourisme a un rôle à jouer là-dedans! Il faut avouer que, par rapport à nos voisins, nous sommes un peu en retard sur cet aspect mais La Cave de Genève commence à développer cette activité. A terme, j’imagine que sous son impulsion, des chambres d’hôtes ouvriront dans les domaines. En attendant, nous organisons déjà depuis deux ans des activités pour faire découvrir notre métier, la vigne et son cycle de vie aux clients. Le succès est largement au rendez-vous, ce qui est extrêmement encourageant!

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